Les Ours, conte de Catherine Bastère Rainotti
Conte
Tout à fait au début, les Ours étaient roses parce qu'ils n'avaient pas de fourrure. Et c'était bien pratique pour se gratter la peau contre le tronc écailleux des arbres. Ils n'avaient pas de fourrure parce qu'il faisait très chaud, comme il peut faire chaud en Afrique. C'était en Afrique.
- Eh! Les Ours ne vivent pas en Afrique!
- Plus maintenant, mais au début, oui. Écoute...
La première goutte de la première pluie du premier jour tomba en Afrique sur la première graine de la première plante. Cette plante était un arbre à Ours. Un oursier.
Par parenthèses, l'oursier donne des Oursons et non pas des oursins comme on le croit souvent. Les oursins vivent dans la mer, ils piquent très fort. Pas les Ours.
Tous les Ours vivaient contents parmi les plantes et les animaux que les autres gouttes de la première pluie avaient fait éclore. Ils mangeaient des fruits bien mûrs et se faisaient bronzer au soleil africain. Comme la vie était douce ! Cela aurait pu durer longtemps...
Mais un jour arriva l'Escargot, tout essoufflé d'avoir rampé cinq ou six siècles pour visiter le monde, avec sa maison sur le dos. Il était affamé. Comme il n'était pas assez grand pour cueillir quelque chose à manger, les cornes en bataille, il se jeta sur le fruit qu'un Ours tenait dans sa patte.
- Attention, petite chose, dit l'Ours, j'aurais pu t'écraser!
L'Escargot est orgueilleux. Il se sentit tellement vexé d'être appelé "petite chose" qu'il ne trouva d'abord rien à dire.
Puis, considérant l'Ours et sa belle couleur rose il se mit à ricaner:
- Gros patapouf! Tu n'as pas honte de te promener tout nu?
- Je ne suis pas tout nu! dit l'Ours.
- Si, tu es tout nu! Hein, les autres, qu'il est tout nu? cria l'Escargot, se tournant vers les autres animaux qui, jusque là, n'avaient rien vu mais étaient prêts à rire aux dépends d'un autre.
Ils commencèrent à chanter en choeur:
- Il est tout nu - u! Il est tout nu - u!
- Tous les Ours sont tous nus, et c'est honteux ! hurla l'Escargot. Vous devriez partir, très loin et très vite.
- Vous croyez? demandèrent les Ours tout étonnés.
- Absolument, ab-so-lu-ment! répondirent les autres en se roulant par terre à force de rire.
Donc, les Ours s'en allèrent tous.
Lorsque la lune remplaça le soleil dans le ciel, ils n'étaient pas revenus...
Les animaux attendirent encore, mais le lendemain les Ours n'étaient toujours pas là.
Les animaux commencèrent à penser qu'au lieu d'avoir fait une bonne blague, ils avaient fait une grosse bêtise!
Quand la pluie revint en Afrique elle s'étonna de ne voir aucun Ours.
- Où sont les Ours? demanda-t-elle à tous les vents.
Les animaux baissèrent la tête, honteux, et n'osèrent pas parler. Les cigognes revenant du grand Nord lui donnèrent enfin des nouvelles:
- Les Ours sont dans la grande forêt, près des glaces éternelles.
Les fourmis à leur tour, racontèrent à la pluie comment l'Escargot s'était moqué des Ours et pourquoi ils étaient partis.
Alors la pluie, très en colère, dit:
- Escargot! Je te condamne à ne sortir de ta coquille que quand je serai là pour te surveiller. Et tu ne sortiras pas beaucoup parce que je ne suis pas prête à revenir souvent voir les animaux d'Afrique après tout ce que vous avez fait, tous autant que vous êtes!
Les pauvres Ours n'entendirent rien de tout celà. Ils étaient bien loin de l'Afrique.
Ils avançaient, tout nus, dans la neige et la bise. Il n'y avait plus de fruits bien mûrs, plus de soleil.
Plus rien! Rien que la forêt inconnue, hostile.
Ils ne savaient pas qu'ils arrivaient près de la maison de mon aïeul.
Cet hiver-là, Grand-Père, en sortant de sa maison, entendit sangloter derrière un buisson.
Il s'approcha et découvrit un ours qui pleurait à fendre l'âme, sa grosse tête posée sur ses pattes.
- Bonjour, frère l'Ours! lui dit-il.
- Bon - snif - jour... lui répondit l'ours.
- Tu as du chagrin? lui demanda mon grand-père.
- Oh! oui, oui, ooouuuuiiiii!!!! dit l'Ours. J'ai perdu mes autres frères Ours.
J'ai faim, j'ai sommeil et j'ai très, très froid.
- Sèche tes larmes, Ours, mon frère. Voici du miel des abeilles, un manteau fait avec la peau et les poils de mon frère le Loup. Voilà une grotte bien sèche où tu pourras dormir.
Tout à fait consolé, l'ours mangea, enfila le manteau et alla se coucher dans dans la grotte. Il était si fatigué qu'il dormit plusieurs mois. Il ne remarqua même pas que d'autres ours et ourses l'avaient rejoint.
Ils se réveillèrent tous au printemps suivant. Ils allèrent saluer mon grand-père, et comme il commençait à faire chaud, ils voulurent retirer leurs manteaux pour les rendre à Grand-Père. Mais ils ne le purent pas! Pendant leur long sommeil les poils de frère Loup avaient pris racine dans leur peau.
- C'est tant mieux, dit mon grand-père. Continuez votre chemin vers le Nord, vous verrez que vous aurez besoin de cette fourrure toute l'année pour vous protéger, vous et vos petits. Au revoir! Au revoir! Bonne route!
Voilà comment les Ours d'Afrique ne moururent pas, et comment ils eurent leur première fourrure grâce à mon grand-père. Eh oui!
Tout à fait au début, les Ours étaient roses parce qu'ils n'avaient pas de fourrure. Et c'était bien pratique pour se gratter la peau contre le tronc écailleux des arbres. Ils n'avaient pas de fourrure parce qu'il faisait très chaud, comme il peut faire chaud en Afrique. C'était en Afrique.
- Eh! Les Ours ne vivent pas en Afrique!
- Plus maintenant, mais au début, oui. Écoute...
La première goutte de la première pluie du premier jour tomba en Afrique sur la première graine de la première plante. Cette plante était un arbre à Ours. Un oursier.
Par parenthèses, l'oursier donne des Oursons et non pas des oursins comme on le croit souvent. Les oursins vivent dans la mer, ils piquent très fort. Pas les Ours.
Tous les Ours vivaient contents parmi les plantes et les animaux que les autres gouttes de la première pluie avaient fait éclore. Ils mangeaient des fruits bien mûrs et se faisaient bronzer au soleil africain. Comme la vie était douce ! Cela aurait pu durer longtemps...
Mais un jour arriva l'Escargot, tout essoufflé d'avoir rampé cinq ou six siècles pour visiter le monde, avec sa maison sur le dos. Il était affamé. Comme il n'était pas assez grand pour cueillir quelque chose à manger, les cornes en bataille, il se jeta sur le fruit qu'un Ours tenait dans sa patte.
- Attention, petite chose, dit l'Ours, j'aurais pu t'écraser!
L'Escargot est orgueilleux. Il se sentit tellement vexé d'être appelé "petite chose" qu'il ne trouva d'abord rien à dire.
Puis, considérant l'Ours et sa belle couleur rose il se mit à ricaner:
- Gros patapouf! Tu n'as pas honte de te promener tout nu?
- Je ne suis pas tout nu! dit l'Ours.
- Si, tu es tout nu! Hein, les autres, qu'il est tout nu? cria l'Escargot, se tournant vers les autres animaux qui, jusque là, n'avaient rien vu mais étaient prêts à rire aux dépends d'un autre.
Ils commencèrent à chanter en choeur:
- Il est tout nu - u! Il est tout nu - u!
- Tous les Ours sont tous nus, et c'est honteux ! hurla l'Escargot. Vous devriez partir, très loin et très vite.
- Vous croyez? demandèrent les Ours tout étonnés.
- Absolument, ab-so-lu-ment! répondirent les autres en se roulant par terre à force de rire.
Donc, les Ours s'en allèrent tous.
Lorsque la lune remplaça le soleil dans le ciel, ils n'étaient pas revenus...
Les animaux attendirent encore, mais le lendemain les Ours n'étaient toujours pas là.
Les animaux commencèrent à penser qu'au lieu d'avoir fait une bonne blague, ils avaient fait une grosse bêtise!
Quand la pluie revint en Afrique elle s'étonna de ne voir aucun Ours.
- Où sont les Ours? demanda-t-elle à tous les vents.
Les animaux baissèrent la tête, honteux, et n'osèrent pas parler. Les cigognes revenant du grand Nord lui donnèrent enfin des nouvelles:
- Les Ours sont dans la grande forêt, près des glaces éternelles.
Les fourmis à leur tour, racontèrent à la pluie comment l'Escargot s'était moqué des Ours et pourquoi ils étaient partis.
Alors la pluie, très en colère, dit:
- Escargot! Je te condamne à ne sortir de ta coquille que quand je serai là pour te surveiller. Et tu ne sortiras pas beaucoup parce que je ne suis pas prête à revenir souvent voir les animaux d'Afrique après tout ce que vous avez fait, tous autant que vous êtes!
Les pauvres Ours n'entendirent rien de tout celà. Ils étaient bien loin de l'Afrique.
Ils avançaient, tout nus, dans la neige et la bise. Il n'y avait plus de fruits bien mûrs, plus de soleil.
Plus rien! Rien que la forêt inconnue, hostile.
Ils ne savaient pas qu'ils arrivaient près de la maison de mon aïeul.
Cet hiver-là, Grand-Père, en sortant de sa maison, entendit sangloter derrière un buisson.
Il s'approcha et découvrit un ours qui pleurait à fendre l'âme, sa grosse tête posée sur ses pattes.
- Bonjour, frère l'Ours! lui dit-il.
- Bon - snif - jour... lui répondit l'ours.
- Tu as du chagrin? lui demanda mon grand-père.
- Oh! oui, oui, ooouuuuiiiii!!!! dit l'Ours. J'ai perdu mes autres frères Ours.
J'ai faim, j'ai sommeil et j'ai très, très froid.
- Sèche tes larmes, Ours, mon frère. Voici du miel des abeilles, un manteau fait avec la peau et les poils de mon frère le Loup. Voilà une grotte bien sèche où tu pourras dormir.
Tout à fait consolé, l'ours mangea, enfila le manteau et alla se coucher dans dans la grotte. Il était si fatigué qu'il dormit plusieurs mois. Il ne remarqua même pas que d'autres ours et ourses l'avaient rejoint.
Ils se réveillèrent tous au printemps suivant. Ils allèrent saluer mon grand-père, et comme il commençait à faire chaud, ils voulurent retirer leurs manteaux pour les rendre à Grand-Père. Mais ils ne le purent pas! Pendant leur long sommeil les poils de frère Loup avaient pris racine dans leur peau.
- C'est tant mieux, dit mon grand-père. Continuez votre chemin vers le Nord, vous verrez que vous aurez besoin de cette fourrure toute l'année pour vous protéger, vous et vos petits. Au revoir! Au revoir! Bonne route!
Voilà comment les Ours d'Afrique ne moururent pas, et comment ils eurent leur première fourrure grâce à mon grand-père. Eh oui!
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