Paul Verlaine et Arthur Rimbaud
Paul Verlaine et Arthur Rimbaud, détail du "Coin de table" de Fantin-Latour. (Sipa)
Par David Caviglioli
Au Musée des Lettres et des Manuscrits de Bruxelles s'ouvre aujourd'hui une exposition intitulée «Verlaine emprisonné», consacrée aux dix-huit mois que le poète a passés incarcéré, de 1873 à 1874, après avoir tiré sur Rimbaud à Bruxelles. L'expo s'installera à Paris en février 2013. Une autre est prévue sur le sujet, en 2015, à Mons, pour ceux qui habitent Mons.
« L'affaire de Bruxelles », comme on l'appelle, revient sur le devant de la scène. Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits de la femme, s'insurgeait en octobre contre ces manuels scolaires qui «s'obstinent à passer sous silence l'orientation LGBT(lesbien, gay, bi et trans) de certains personnages historiques ou auteurs, même quand elle explique une grande partie de leur œuvre comme Rimbaud.»
Elle a oublié Paul Verlaine, son seul amour homosexuel connu. Sans lui,«l'orientation LGBT» de Rimbaud serait inexistante. «On sait assez peu de choses sur sa vie sentimentale, résume son biographe, Jean-Jacques Lefrère. Il a vécu à Aden avec une Ethiopienne. Au Harar, on ne lui connaît pas de liaison.» S'il est question de raconter la vie sexuelle de nos auteurs, racontons-la. Mais jusqu'où aller? C'est souvent glauque, une «vie sexuelle». Celle-ci l'est, en tout cas. Lefrère: «Cette aventure serait purement sordide si elle n'était pas celle de deux poètes de génie.»
Lâcheté physique
Rimbaud arrive à Paris en septembre 1871, accueilli par Verlaine auquel il a envoyé quelques poèmes. Un an plus tôt, Verlaine s'est marié avec la pauvre Mathilde, qui a 17 ans, soit dix de moins que lui. Il lui a fait un enfant. Mais la grossesse l'a rendue laide. Verlaine se désintéresse d'elle.
Un soir pendant la Commune de Paris, il est appelé au chevet de sa mère. Il a peur de sortir, lui qui est d'une lâcheté physique et intellectuelle proverbiale. Il envoie Mathilde, qui manquera plusieurs fois de se faire fusiller. Pendant ce temps, Verlaine se tape la bonne.
Fonctionnaire à la ville de Paris, il se soûle à l'absinthe en sortant du travail. Il rentre tard, n'enlève même pas ses chaussures avant de grimper sur le lit pour violer Mathilde, en grognant avant de s'endormir. Quand elle geint, il la frappe. Quand elle ne geint pas, il la frappe aussi. Il jette aussi son bébé contre les murs. Quand il dessoule, il retrouve son caractère doux et hésitant, et écrit des poèmes sur la douleur de vivre.
Jean-Pierre Guéno, commissaire de l'exposition bruxelloise, dresse un portrait du poète qui figurera avantageusement dans les manuels scolaires:
Sa mère a fait trois fausses couches. Elle gardait les fœtus dans des bocaux. Elle leur parlait. Voilà le spectacle auquel assiste Verlaine dans son enfance. Or Verlaine est incroyablement laid. Il est le sosie de ces fœtus morts. On le lui dit souvent. Il aimait les femmes, il avait besoin d'elles. Ce sont les femmes qui ne l'ont pas trouvé beau. L'amour de sa vie, c'était sa cousine Elisa, que sa mère a adoptée. Elle a épousé un sucrier, puis est morte en couche. Verlaine était un grand sensuel. Mais le dédain des femmes l'a amené dans les bordels, puis à épouser une fille de quinze ans, puis à coucher avec des hommes, puis à retourner vers les prostituées, à la fin de sa vie.»
7 millimètres à six coups
Après quelques temps d'un compagnonnage poétique tout à fait innocent, Verlaine et Rimbaud tombent amoureux. En janvier 1872, fasciné par ce jeune paysan à l'accent ardennais si prononcé qu'on le prendrait pour un patois, Verlaine installe le jeune garçon chez lui. Il se sait bisexuel.
Rimbaud, lui, n'a que 17 ans.
Pendant quelques mois, les deux poètes et Mathilde vivent un vaudeville fétide, un ménage à trois destructeur où la consommation massive d'absinthe joue un rôle primordial. La jeune Mathilde intercepte des lettres, des poèmes que les amants s'échangent. Elle est humiliée. En juillet 1872, Rimbaud et Verlaine partent à Bruxelles. «C'est plutôt un enlèvement de Verlaine par Rimbaud, qui était lassé de Paris,explique Lefrère. Verlaine est plus hésitant.»
L'exil est tumultueux. Les deux hommes sont ivres morts la plupart du temps. Rimbaud, semble-t-il, tente un jour de poignarder Verlaine. Ce qui nous amène à cette journée du 10 juillet 1873. Il fait une chaleur accablante. A neuf heures du matin, Verlaine entre chez Montigny, une armurerie située au 11, galerie de la Reine. Pour 23 francs, il achète un revolver Le Faucheux, un 7 millimètres à six coups. Il compte se suicider.
Il a envoyé des lettres à ses amis, à sa mère, même à la mère de Rimbaud. Il leur dit: «Je vais me crever.» Puis il passe une bonne partie de sa matinée à boire. Après le déjeuner, les deux amants terribles retournent dans la chambre qu'ils partagent. Rimbaud lui annonce qu'il souhaite le quitter. Verlaine, anéanti par l'amour, ferme la porte. Il sort son revolver, et lui crie: «Voilà pour toi, puisque tu pars.»Il tire deux balles. L'une va dans le plancher, l'autre dans le bras de Rimbaud.
Rimbaud ado : quel foutoir !
"Ecartement modéré des fesses"
Quand ils sortent de l'hôpital, Rimbaud annonce à Verlaine qu'il souhaite toujours partir. Ils se dirigent vers la gare du Midi. Sur la place Rouppe, Verlaine s'approche de lui. Il porte la main dans sa poche. Rimbaud pense qu'il sort à nouveau son revolver. Il se précipite vers un agent de police, qui emmène les deux hommes au commissariat.
Verlaine est condamné pour voie de fait. Il prend la peine maximale, deux ans, la pédérastie étant un élément aggravant. Un rapport est en plus de cela arrivé de Paris, désignant Verlaine comme un Communard. Bruxelles est un refuge pour les insurgés. Le juge t'Serstevens, qui juge l'affaire, ne montre aucune indulgence. Il commande une expertise médicale, pour établir l'homosexualité du prévenu. Verlaine est emmené dans une pièce de l'Amigo, le dépôt bruxellois, par un policier qui lui examine le sexe et lui scrute l'intérieur de l'anus. Voici ce que le rapport nous apprend:
Le pénis est court et peu volumineux. Le gland est surtout petit et va s'amincissant, s'effilant vers son extrémité libre à partir de la couronne. Celle-ci est peu saillante et sans relief. (…) L'anus se laisse dilater assez fortement par un écartement modéré des fesses, en une profondeur d'un pouce environ. (…) De cet examen, il résulte que Paul Verlaine porte sur sa personne des traces d'habitude de pédérastie active et passive.»
Un début et une fin
Verlaine passe 555 jours en prison, loin des bars et des bouteilles d'absinthe. Il perd tout: sa femme, son enfant, son amant. Mais la prison lui fait du bien. «Il se réunifie, estime Jean-Pierre Guéno. Il peut enfin conceptualiser ce qu'il met en pratique depuis des années.» Il compose plusieurs poèmes, qu'il tente de faire publier dans un recueil intitulé «Cellulairement», dont le manuscrit est pour la première fois montré au public dans l'exposition bruxelloise.«Mais il est grillé. Il disséminera plus tard tous les poèmes dans ses œuvres ultérieures. Cette incarcération a séparé Verlaine et Rimbaud, et leur a permis d'écrire leurs deux chefs d'œuvres.»
Pendant ce temps, Rimbaud rédige «Une saison en enfer» dans la ferme familiale. «Mais il faut voir à quel point le scandale a été important,rappelle Jean-Jacques Lefrère.Imaginez: un homme marié qui fait une fugue extra-conjugale, homosexuelle et violente, avec un mineur en plus. Verlaine s'est exilé en Angleterre. Il n'a réintégré le milieu littéraire que dix ans après l'affaire. Rimbaud a compris que toute carrière littéraire lui a été interdite, et ça n'a pas été étranger à son grand départ.»
Dernier détail, assez peu connu: quand Verlaine sort de prison, il correspond toujours avec Rimbaud. L'enfant prodige, ingrat comme tous les prodiges, en profite alors pour le faire chanter et lui demander de l'argent. «Ils s'admiraient certainement, estime Lefrère, mais leur amour n'était pas aussi réciproque qu'on a voulu le dire.Verlaine a gardé cette passion toute sa vie, s'efforçant de faire connaître l'œuvre de Rimbaud. Pour Rimbaud, clairement, c'était un épisode, avec un début et une fin.»
Passe encore qu'on raconte aux écoliers des histoires de viol conjugal, d'inceste, d'alcoolisme, d'armes à feu ou d'écartement anal. Mais on ne va tout de même pas leur expliquer si tôt que l'amour unit en général une personne qui souffre à une personne qui s'ennuie.
David Caviglioli
Jean-Jacques Lefrère, le médecin de Rimbaud

David Caviglioli
Journaliste
Sodomie, alcool et revolver à six coups
Si Najat Vallaud-Belkacem veut toujours raconter la vie sexuelle de Rimbaud et Verlaine aux écoliers, une exposition va lui rafraîchir la mémoire.Par David Caviglioli
Au Musée des Lettres et des Manuscrits de Bruxelles s'ouvre aujourd'hui une exposition intitulée «Verlaine emprisonné», consacrée aux dix-huit mois que le poète a passés incarcéré, de 1873 à 1874, après avoir tiré sur Rimbaud à Bruxelles. L'expo s'installera à Paris en février 2013. Une autre est prévue sur le sujet, en 2015, à Mons, pour ceux qui habitent Mons.
« L'affaire de Bruxelles », comme on l'appelle, revient sur le devant de la scène. Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits de la femme, s'insurgeait en octobre contre ces manuels scolaires qui «s'obstinent à passer sous silence l'orientation LGBT(lesbien, gay, bi et trans) de certains personnages historiques ou auteurs, même quand elle explique une grande partie de leur œuvre comme Rimbaud.»
Elle a oublié Paul Verlaine, son seul amour homosexuel connu. Sans lui,«l'orientation LGBT» de Rimbaud serait inexistante. «On sait assez peu de choses sur sa vie sentimentale, résume son biographe, Jean-Jacques Lefrère. Il a vécu à Aden avec une Ethiopienne. Au Harar, on ne lui connaît pas de liaison.» S'il est question de raconter la vie sexuelle de nos auteurs, racontons-la. Mais jusqu'où aller? C'est souvent glauque, une «vie sexuelle». Celle-ci l'est, en tout cas. Lefrère: «Cette aventure serait purement sordide si elle n'était pas celle de deux poètes de génie.»
Lâcheté physique
Rimbaud arrive à Paris en septembre 1871, accueilli par Verlaine auquel il a envoyé quelques poèmes. Un an plus tôt, Verlaine s'est marié avec la pauvre Mathilde, qui a 17 ans, soit dix de moins que lui. Il lui a fait un enfant. Mais la grossesse l'a rendue laide. Verlaine se désintéresse d'elle.
Un soir pendant la Commune de Paris, il est appelé au chevet de sa mère. Il a peur de sortir, lui qui est d'une lâcheté physique et intellectuelle proverbiale. Il envoie Mathilde, qui manquera plusieurs fois de se faire fusiller. Pendant ce temps, Verlaine se tape la bonne.
Fonctionnaire à la ville de Paris, il se soûle à l'absinthe en sortant du travail. Il rentre tard, n'enlève même pas ses chaussures avant de grimper sur le lit pour violer Mathilde, en grognant avant de s'endormir. Quand elle geint, il la frappe. Quand elle ne geint pas, il la frappe aussi. Il jette aussi son bébé contre les murs. Quand il dessoule, il retrouve son caractère doux et hésitant, et écrit des poèmes sur la douleur de vivre.
Jean-Pierre Guéno, commissaire de l'exposition bruxelloise, dresse un portrait du poète qui figurera avantageusement dans les manuels scolaires:
Sa mère a fait trois fausses couches. Elle gardait les fœtus dans des bocaux. Elle leur parlait. Voilà le spectacle auquel assiste Verlaine dans son enfance. Or Verlaine est incroyablement laid. Il est le sosie de ces fœtus morts. On le lui dit souvent. Il aimait les femmes, il avait besoin d'elles. Ce sont les femmes qui ne l'ont pas trouvé beau. L'amour de sa vie, c'était sa cousine Elisa, que sa mère a adoptée. Elle a épousé un sucrier, puis est morte en couche. Verlaine était un grand sensuel. Mais le dédain des femmes l'a amené dans les bordels, puis à épouser une fille de quinze ans, puis à coucher avec des hommes, puis à retourner vers les prostituées, à la fin de sa vie.»
7 millimètres à six coups
Après quelques temps d'un compagnonnage poétique tout à fait innocent, Verlaine et Rimbaud tombent amoureux. En janvier 1872, fasciné par ce jeune paysan à l'accent ardennais si prononcé qu'on le prendrait pour un patois, Verlaine installe le jeune garçon chez lui. Il se sait bisexuel.
Rimbaud, lui, n'a que 17 ans.
Pendant quelques mois, les deux poètes et Mathilde vivent un vaudeville fétide, un ménage à trois destructeur où la consommation massive d'absinthe joue un rôle primordial. La jeune Mathilde intercepte des lettres, des poèmes que les amants s'échangent. Elle est humiliée. En juillet 1872, Rimbaud et Verlaine partent à Bruxelles. «C'est plutôt un enlèvement de Verlaine par Rimbaud, qui était lassé de Paris,explique Lefrère. Verlaine est plus hésitant.»
L'exil est tumultueux. Les deux hommes sont ivres morts la plupart du temps. Rimbaud, semble-t-il, tente un jour de poignarder Verlaine. Ce qui nous amène à cette journée du 10 juillet 1873. Il fait une chaleur accablante. A neuf heures du matin, Verlaine entre chez Montigny, une armurerie située au 11, galerie de la Reine. Pour 23 francs, il achète un revolver Le Faucheux, un 7 millimètres à six coups. Il compte se suicider.
Il a envoyé des lettres à ses amis, à sa mère, même à la mère de Rimbaud. Il leur dit: «Je vais me crever.» Puis il passe une bonne partie de sa matinée à boire. Après le déjeuner, les deux amants terribles retournent dans la chambre qu'ils partagent. Rimbaud lui annonce qu'il souhaite le quitter. Verlaine, anéanti par l'amour, ferme la porte. Il sort son revolver, et lui crie: «Voilà pour toi, puisque tu pars.»Il tire deux balles. L'une va dans le plancher, l'autre dans le bras de Rimbaud.
Rimbaud ado : quel foutoir !
"Ecartement modéré des fesses"
Quand ils sortent de l'hôpital, Rimbaud annonce à Verlaine qu'il souhaite toujours partir. Ils se dirigent vers la gare du Midi. Sur la place Rouppe, Verlaine s'approche de lui. Il porte la main dans sa poche. Rimbaud pense qu'il sort à nouveau son revolver. Il se précipite vers un agent de police, qui emmène les deux hommes au commissariat.
Verlaine est condamné pour voie de fait. Il prend la peine maximale, deux ans, la pédérastie étant un élément aggravant. Un rapport est en plus de cela arrivé de Paris, désignant Verlaine comme un Communard. Bruxelles est un refuge pour les insurgés. Le juge t'Serstevens, qui juge l'affaire, ne montre aucune indulgence. Il commande une expertise médicale, pour établir l'homosexualité du prévenu. Verlaine est emmené dans une pièce de l'Amigo, le dépôt bruxellois, par un policier qui lui examine le sexe et lui scrute l'intérieur de l'anus. Voici ce que le rapport nous apprend:
Le pénis est court et peu volumineux. Le gland est surtout petit et va s'amincissant, s'effilant vers son extrémité libre à partir de la couronne. Celle-ci est peu saillante et sans relief. (…) L'anus se laisse dilater assez fortement par un écartement modéré des fesses, en une profondeur d'un pouce environ. (…) De cet examen, il résulte que Paul Verlaine porte sur sa personne des traces d'habitude de pédérastie active et passive.»
Un début et une fin
Verlaine passe 555 jours en prison, loin des bars et des bouteilles d'absinthe. Il perd tout: sa femme, son enfant, son amant. Mais la prison lui fait du bien. «Il se réunifie, estime Jean-Pierre Guéno. Il peut enfin conceptualiser ce qu'il met en pratique depuis des années.» Il compose plusieurs poèmes, qu'il tente de faire publier dans un recueil intitulé «Cellulairement», dont le manuscrit est pour la première fois montré au public dans l'exposition bruxelloise.«Mais il est grillé. Il disséminera plus tard tous les poèmes dans ses œuvres ultérieures. Cette incarcération a séparé Verlaine et Rimbaud, et leur a permis d'écrire leurs deux chefs d'œuvres.»
Pendant ce temps, Rimbaud rédige «Une saison en enfer» dans la ferme familiale. «Mais il faut voir à quel point le scandale a été important,rappelle Jean-Jacques Lefrère.Imaginez: un homme marié qui fait une fugue extra-conjugale, homosexuelle et violente, avec un mineur en plus. Verlaine s'est exilé en Angleterre. Il n'a réintégré le milieu littéraire que dix ans après l'affaire. Rimbaud a compris que toute carrière littéraire lui a été interdite, et ça n'a pas été étranger à son grand départ.»
Dernier détail, assez peu connu: quand Verlaine sort de prison, il correspond toujours avec Rimbaud. L'enfant prodige, ingrat comme tous les prodiges, en profite alors pour le faire chanter et lui demander de l'argent. «Ils s'admiraient certainement, estime Lefrère, mais leur amour n'était pas aussi réciproque qu'on a voulu le dire.Verlaine a gardé cette passion toute sa vie, s'efforçant de faire connaître l'œuvre de Rimbaud. Pour Rimbaud, clairement, c'était un épisode, avec un début et une fin.»
Passe encore qu'on raconte aux écoliers des histoires de viol conjugal, d'inceste, d'alcoolisme, d'armes à feu ou d'écartement anal. Mais on ne va tout de même pas leur expliquer si tôt que l'amour unit en général une personne qui souffre à une personne qui s'ennuie.
David Caviglioli
Jean-Jacques Lefrère, le médecin de Rimbaud

David Caviglioli
Journaliste
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