20 junio, 2018

"Los ricos creen tener todos los derechos"

Dîners mondains, beaux quartiers, chasses à courre, évasion fiscale… voilà trente ans que le couple de sociologues Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon dissèquent les comportements d’une caste endogame et prédatrice, ce qu’ils appellent « la violence des riches ». À leur actif, plus d’une vingtaine de livres sur la grande bourgeoisie. Ils nous expliquent comment ce groupe social sait se mobiliser pour défendre ses intérêts.


Cenas sociales, hermosos barrios, caza, evasión de impuestos ... hace ya treinta años que la pareja de sociólogos Monique Pinçon-Charlot y Michel Pinçon diseccionan los comportamientos de una casta endógamica y depredadora, lo que ellos llaman "la violencia de los ricos" . En su haber, más de veinte libros sobre la gran burguesía. Explican cómo este grupo social puede movilizarse para defender sus intereses.

Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon. « Les riches estiment qu’ils ont tous les droits »

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR N. D.
JEUDI, 14 AVRIL, 2016
HUMANITÉ DIMANCHE

Pierre Pyktowicz

HD. Voilà trente ans que vous enquêtez chez les plus riches. Comment vous est venue l’idée de pénétrer dans l’univers très fermé de la grande bourgeoisie, en 1986 ?

Michel Pinçon. La plupart des sociologues travaillaient sur les plus démunis. Beaucoup avait été fait sur les logements insalubres, les quartiers défavorisés… mais rien sur les beaux quartiers.
La mayoría de los sociólogos trabajaban con los pobres. Mucho se había hecho sobre viviendas insalubres, barrios pobres ... pero nada sobre los barrios bellos.

Monique Pinçon-Charlot. Nous n’étions pas du tout de ce milieu. Alors nous avons commencé par le plus facile : nous balader dans les beaux quartiers. Notre directeur de laboratoire au CNRS, issu de la grande bourgeoisie de Neuilly, nous a ouvert les portes de sa famille. Progressivement, nous avons réussi à nous faire coopter. Nous avions acquis un capital social absolument extraordinaire ! Jusqu’à la publication de notre livre, en 2010 : « Le Président des riches, enquête sur l’oligarchie dans la France de Nicolas Sarkozy ». Là, on s’est fait virer. Ce n’était pas trop grave, nous avions eu le temps de comprendre leur fonctionnement.
No fuimos en absoluto de este entorno. Así que comenzamos con lo más fácil: caminar por los hermosos barrios. Nuestro director de laboratorio en el CNRS, de la gran burguesía de Neuilly, nos abrió las puertas de su familia. Poco a poco, logramos hacernos cooptar. ¡Habíamos adquirido un capital social absolutamente extraordinario! Hasta la publicación de nuestro libro, en 2010: "El presidente de los ricos, investigación de la oligarquía en Francia por Nicolas Sarkozy". Allí, nos despidieron. No fue tan malo, tuvimos tiempo para entender cómo funcionan.

HD. Qu’avez-vous observé d’emblée ?

M. P. Nous sommes toujours ici dans la reproduction des privilèges les plus arbitraires. Des privilèges qui se transmettent de génération en génération pour créer des dynasties familiales. Les riches veulent absolument préserver leur mode de vie. Ils concentrent toute la richesse et entendent bien la garder. Ils estiment donc qu’ils ont tous les droits.
Siempre estamos aquí en la reproducción de los privilegios más arbitrarios. Privilegios que se transmiten de generación en generación para crear dinastías familiares. Los ricos quieren absolutamente preservar su forma de vida. Concentran toda la riqueza y tienen la intención de mantenerla bien. Entonces piensan que tienen todos los derechos.

M. P.-C. Les grands-bourgeois ne pensent jamais à leurs dissemblables. Ils n’ont pas accès à la culpabilité, à la mauvaise conscience. Dès qu’ils estiment ne pas être dans leurs bons droits, ils se positionnent en victimes. Du coup, ils sont extrêmement mobilisés. Sur tous les fronts. Il n’y a pas de petits combats. Ils sont formés pour rendre en permanence service à leur classe. Ils en ont le devoir. Certes, c’est plus simple pour eux : ils ne sont pas nombreux et se retrouvent sans cesse dans les dîners, les clubs, les cercles…
La gran burguesía nunca piensa en sus diferencias. No tienen acceso a la culpa, a la mala conciencia. Tan pronto como sienten que no están en su derecho, se posicionan como víctimas. Como resultado, están extremadamente movilizados. En todos los frentes. No hay peleas pequeñas Están entrenados para prestar un servicio constante a su clase. Ellos tienen el deber. Es cierto que es más fácil para ellos: no son numerosos y se encuentran todo el tiempo en cenas, clubes, círculos ...

HD. Vous aussi, vous avez été introduits dans ces clubs, ces cercles…

M. P.-C. Oui. Autour de la table des dîners habituels, se retrouvaient toujours les représentants de tous les pôles dominants : un banquier, un journaliste – pas de « l’Humanité », mais plutôt de TF1 –, un industriel de renom, un artiste d’art contemporain, un grand chef d’exploitation, un professeur de médecine… et parfois des curiosités, comme nous ! C’est comme ça qu’un Nicolas Sarkozy a pu rencontrer Liliane Bettencourt.
Sí. Alrededor de la mesa cenas habituales, siempre se encuentran representantes de todos los polos dominantes: un banquero, un periodista, nadie de "L'Humanité", sino más bien "TF1" - un industrial de renombre, un artista de arte contemporáneo , un gran agricultor, un profesor de medicina ... ¡y algunas veces curiosidades, como nosotros! Así es como Nicolas Sarkozy pudo conocer a Liliane Bettencourt.

M. P. Ce milieu social fonctionne au choix des personnes, tout passe par la cooptation. On choisit le membre du cercle, on vote sur candidature… Avenue des Champs-Élysées, se trouve le Travellers Club, dans l’hôtel particulier de la Païva. Tout le monde y parle anglais, même entre Français. Un jour, le secrétaire général de ce cercle m’a fait part de sa colère : les Champs-Élysées devenaient insupportables, avec ces gens qui mangent des sandwichs debout, ces touristes en short… Il ne comprenait pas. Mais une fois la porte de la Païva franchie, le même monde se retrouve. Idem lorsque vous passez l’entrée du cercle de l’Union interalliée, rue du Faubourg Saint-honoré. D’un coup, le tohu-bohu de la rue laisse place au calme. La sécurité sociale…
Este entorno social funciona a elección de las personas, todo pasa por la cooptación. Se elige al miembro del círculo, se vota su candidatura ... Champs-Élysées, es el Club de Viajeros en la mansión de Païva. Todos hablan inglés, incluso entre franceses. Un día, el secretario general de este círculo me contó su enojo: los Campos Elíseos se volvieron insoportables, con estas personas que comen sandwiches de pie, estos turistas en pantalones cortos ... No entendía. Pero una vez que se atraviesa la puerta del Païva se encuentra el mismo mundo. Lo mismo ocurre cuando pasas la entrada al círculo de la Union Interalliée, en la calle Faubourg Saint-Honore. De repente, el bullicio de la calle da paso a la calma. La seguridad social…

HD. Vous parlez du ghetto des riches. Vous en avez même fait un livre, « Les Ghettos du gotha. Comment la bourgeoisie défend ses espaces ». Pourquoi un terme si fort ?

M. P.-C. C’est un ghetto car il y a une limite, une frontière pour protéger l’entre-soi. Mais un ghetto volontaire. Nous avons voulu ainsi montrer que les riches assument la rupture, ils revendiquent même cet ostracisme social. Dans notre premier livre, nous parlions de racisme de classe. Ils ne nous l’ont jamais reproché. Ils ont même approuvé : c’est très agréable d’être entre soi. Pourquoi voulez-vous que nous soyons avec des gens qui ne nous ressemblent pas ?
Es un ghetto porque hay un límite, un límite para proteger el entrenos. Pero un ghetto voluntario. Queríamos mostrar que los ricos asumen la ruptura, incluso reclaman este ostracismo social. En nuestro primer libro, hablamos sobre el racismo de clase. Ellos nunca nos culparon. Incluso aprobaron: es muy agradable estar entre ellos. ¿Por qué quieres que estemos con personas que no se parecen a nosotros?

HD. « Les riches quittent massivement la France », titrent régulièrement les journaux. Ils paieraient trop d’impôts. Pourtant, le scandale du Panama Papers met en lumière l’évasion fiscale de beaucoup d’entre eux. Vous la dénoncez également dans votre livre : « Tentative d’évasion (fiscale) », sorti en septembre dernier…
"Los ricos se van masivamente de Francia", titulan regularmente los periódicos. Pagarían demasiado impuesto. Sin embargo, el escándalo de los Papeles de Panamá destaca la evasión de impuestos de muchos de ellos. También lo denuncian en su libro: "Tentativa de evasión (fiscal)", lanzado en septiembre pasado ...

M P.-C. Nous avons effectivement montré qu’ils ne payaient pas leurs impôts, avec la complicité des services fiscaux. Cette stratégie participe à l’asservissement des peuples en faisant croire que les riches créent l’emploi et la richesse. De vrais philanthropes ! La crise financière de 2008 est exclusivement liée à la spéculation. Les seuls responsables étant ceux qui avaient « titrisé » les subprimes, c’était à eux de payer. Or, avec l’aide des politiques, l’oligarchie a transformé une dette privée en dette publique. Depuis, on demande au peuple d’accepter la destruction des services publics, des avantages liés à la Sécurité sociale, à la retraite. Demain, c’est le nouveau Code du travail qui asservira encore plus les salariés… Nous sommes dans une véritable guerre de classes. Une classe qui possède les armes économiques, idéologiques, linguistiques…
De hecho, hemos demostrado que no pagan sus impuestos, con la complicidad de los servicios fiscales. Esta estrategia participa en la esclavización de los pueblos al hacer creer que los ricos crean empleo y riqueza. ¡Filántropos reales! La crisis financiera de 2008 está relacionada exclusivamente con la especulación. Los únicos responsables eran aquellos que habían "securitizado" las subprimes, dependía de ellos pagar. Con la ayuda de los políticos, la oligarquía convirtió una deuda privada en una deuda pública. Desde entonces, se les ha pedido a las personas que acepten la destrucción de los servicios públicos, los beneficios relacionados con la seguridad social y la jubilación. Mañana es el nuevo Código Laboral que esclavizará a más empleados ... Estamos en una verdadera guerra de clases. Una clase que posee armas económicas, ideológicas, lingüísticas ...

HD. Alors, finalement, comment vont les riches aujourd’hui ?

M. P.-C. Il suffit de lire le palmarès des grandes fortunes publié dans « Challenges » pour s’apercevoir que tout va très bien pour eux. Chaque année, on y constate des augmentations à deux chiffres, des enrichissements énormes qui vont très vite et de plus en plus concentrés entre quelques mains. C’est ainsi que Bernard Arnault, le très discret patron de LVMH, affiche 34 milliards de dollars de chiffre d’affaires, 400 fois plus que la fortune du grand chef cuisinier Alain Ducasse, qui s’élève à 60 millions d’euros. Cette dispersion n’existe pas dans le monde du salariat. Et cette richesse se base chaque fois plus sur la violence de classe, c’est-à-dire sur la marchandisation des entreprises qui doivent représenter du cash pour les actionnaires, toujours plus avides de dividendes.
Simplemente lea la lista de las grandes fortunas publicadas en "Desafíos" para darse cuenta de que todo está bien para ellos. Cada año, hay aumentos de dos dígitos, grandes enriquecimientos que van muy rápido y se concentran cada vez más en unas pocas manos. Así es como Bernard Arnault, el muy discreto jefe de LVMH, registró $ 34 mil millones en ventas, 400 veces más que la fortuna del gran chef Alain Ducasse, que asciende a 60 millones de euros. Esta dispersión no existe en el mundo del trabajo asalariado. Y esta riqueza se basa cada vez más en la violencia de clase, es decir, en la mercantilización de empresas que deben rendir dividendos para los accionistas, siempre más codiciosos por los dividendos.

HD. Peut-on faire le parallèle entre la violence des habitants du 16e arrondissement de Paris, lors de la présentation du projet de centre d’hébergement d’urgence près du bois de Boulogne, et celle des manifestants contre le mariage pour tous ?

M. P.-C. Lors des manifestations contre le mariage de personnes du même sexe, peut-être que beaucoup étaient catholiques, mais l’important n’est pas là. Il est dans les mots « mariage pour tous ». Cette proposition menace l’essentiel pour leur propre reproduction : la famille. Elle est au cœur de la constitution de la dynastie. Dans le gotha mondain, seulement 2 % des couples sont concernés par le divorce. Car, finalement, ils dissocient les pratiques sexuelles de la famille : ils ont de grands appartements, ils voyagent… et ont beaucoup d’enfants – environ quatre par famille. Alors la religion n’est qu’une variable secondaire par rapport à la posture de classe. La famille, c’est ça qui les a mobilisés.
En las manifestaciones anti-casamiento del mismo sexo, tal vez muchos eran católicos, pero lo importante no está allí. Es en las palabras "matrimonio para todos". Esta propuesta amenaza lo esencial para su propia reproducción: la familia. Está en el corazón de la constitución de la dinastía. En el mundo social, solo el 2% de las parejas están involucradas en el divorcio. Porque, finalmente, disocian las prácticas sexuales de la familia: tienen apartamentos grandes, viajan ... y tienen muchos hijos, unos cuatro por familia. Entonces, la religión es solo una variable secundaria en relación con la postura de la clase. La familia es lo que los movilizó.

M. P. La violence dans les deux cas s’explique car ils se trouvaient sans prise, avec un rapport de forces qu’ils ne maîtrisaient pas, qu’ils ne pouvaient pas contrer.
La violencia en ambos casos se explica porque no tenían control, con un equilibrio de fuerzas que no dominaban, no podían contrarrestar.

M. P.-C. Oui. J’ai assisté à la présentation du projet de centre d’hébergement. C’était la première fois que j’entendais des grands-bourgeois employer des termes aussi orduriers. J’ai ressenti une haine de classe très profonde.
Sí. Asistí a la presentación del proyecto de refugio. Era la primera vez que escuché a un gran burgués usar palabras tan sucias. Sentí un odio de clase muy profundo.

Traducción Google/IXX


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